
Au début de l’année 1979, j’ai eu la chance d’acheter un album vinyle noir du groupe de jazz-rock instrumental français Coincidence, alors en plein essor. Ce LP, le deuxième du groupe, intitulé Clef De Ciel (Key Of The Sky), présentait la musique et la performance multi-instrumentale du guitariste/compositeur Jean-Pierre Llabador et de son frère Jean-Claude Llabador. À ma grande surprise, après n’avoir plus rien entendu pendant plusieurs années, j’ai appris peu après la sortie du LP que Jean-Claude avait péri dans un accident de voiture au début des années 1980, laissant un trou béant dans le monde de la musique et une tragédie qui a essentiellement marqué la fin de Coincidence.
Quelques années plus tard, au début des années 1980, Jean-Pierre Llabador retrouve son élan musical en publiant son premier album solo, intitulé Coincidences. Après cinq décennies de création et d’enregistrement, Jean-Pierre Llabador est de retour début 2025 avec un nouvel album intitulé 3’33 Treasure Hunt. Ayant survécu à un accident de voiture et à plusieurs problèmes de santé mettant sa vie en danger ces dernières années, Jean-Pierre ne déçoit pas sur 3’33 Treasure Hunt. Bien que ses problèmes de santé l’aient privé de sa capacité à jouer physiquement de la guitare sur son propre album, les résultats compositionnels sont à la fois étonnants et superbes, c’est le moins qu’on puisse dire.
Bien que le coffret combiné de 8 titres CD et 10″ dure un peu moins d’une demi-heure, 3’33 Treasure Hunt contient un vaste univers de styles et de concepts musicaux dignes d’une légende de la musique comme Jean-Pierre Llabador. Le concept étant que tous les morceaux ici sont chronométrés au temps souhaité de 3 minutes et 33 secondes chacun, l’auditeur ne perd pas de vue que la musique et les arrangements vont droit au but avec très peu de temps pour l’improvisation et les moments improvisés.
Pour la première fois, Jean-Pierre ne pouvant pas jouer lui-même de la guitare sur un album, il a fait appel à un large éventail de ses estimés amis musiciens sur
3’33 , en composant en quelque sorte toute la musique et en produisant les musiciens sur place pour savoir comment exécuter et définir les manœuvres musicales de sa dernière musique. Bien qu’il soit surtout connu pour ses compositions jazz-fusion et jazz pur, sur
3’33 Treasure Hunt, Jean-Pierre commence l’album de 2025 avec un morceau intitulé « Roses In Rhodes » avec Tania Margarit au chant et au clavinet, son frère Leo Margarit à la batterie et la fille de Tania, Elea Schuhmann, aux chœurs.

La face 2 du LP 10 pouces, qui commence avec le titre 5 du CD comme mentionné ci-dessus, est le goût urbain de « Betty On Franklin Avenue », une gambade funky avec la voix de Mme Schuhmann et les guitares électriques de Gerard Pansanel. « Betty On Franklin Avenue » renverse l’équation avec Tania aux chœurs et sa fille Elea Schuhmann au chant principal.
Trois morceaux instrumentaux fusion jazzy, mettant en avant un large éventail de guitaristes et de musiciens talentueux, dévoilent chaque morceau différentes facettes du savoir-faire compositionnel de Jean-Pierre. Ces trois morceaux instrumentaux restants montrent une myriade de facettes musicales de la muse compositionnelle de Jean-Pierre, « Big Deal » ajoutant une touche nostalgique à la fascination de Jean-Pierre pour les sons des Shadows avec lesquels il a grandi en France.
Interprété à la perfection par le guitariste Bernard Margarit, grand-père d’Elea et père de Leo et Tania Maria, « Big Deal » ne manque jamais d’enchanter avec ses moments à la Marvin
Fidèle à ses habitudes, Jean-Pierre Llabador ajoute une sorte de titre honorifique à sa ville natale, l’Algérie. « Ghazaouet City » est un moment de Worldbeat sauvage qui rencontre le jazz-rock et présente une tranche de sonorités rarement entendues sur un album de Jean-Pierre Llabador.
Le meilleur pour la fin, peut-être, est « Blast », la pièce de résistance fusion de 3’33 Treasure Hunt, évoquant l’élégance et le son direct des deux albums studio désormais légendaires de Coincidence. Les fans de fusion progressive française tomberont rapidement sous le charme de « Blast » et, si on leur en donne la chance, de l’ album 3’33 Treasure Hunt dans son intégralité . Avec 3’33 Treasure Hunt, la légende de la guitare Jean-Pierre Llabador est de retour avec un nouveau classique musical déterminé qui n’a rien à envier à ses grandes réalisations musicales.

TREASURE 3.33 HUNT
25 Cm Vinyle (+CD)
Uniquement Disponible Chez Castle Records
CASTLE RECORDS No 005
Jean-Pierre Llabador
Interview de la Chasse au Trésor 3’33

mwe3 : Votre nouvel album de 2025, 3’33 Treasure Hunt, est l’album le plus varié que vous ayez sorti jusqu’à présent.
Jean-Pierre Llabador : Merci beaucoup Robert ! Je suis content que la musique te plaise. Je suis content d’avoir de nouveaux sons sortis après cette horrible période de cinq ans de problèmes de santé.
Les compositions sont, tu as raison, assez variées. J’ai en quelque sorte ouvert toutes les fenêtres sans tenir compte des styles, des idiomes, quoi que ce soit, pendant une période d’environ deux mois. J’ai simplement composé de la musique et je l’ai enregistrée avec l’aide de très bons musiciens qui se trouvent être aussi de très bons amis.
mwe3 : 3’33 Treasure Hunt revient en quelque sorte à vos débuts avec Coincidence, lorsque vous combiniez souvent rock, jazz et fusion dans une seule chanson.
Jean-Pierre Llabador : J’ai commencé à jouer de la guitare à l’adolescence sans aucune formation musicale, c’est plus tard que j’ai commencé à avoir envie d’apprendre « correctement »…
À l’époque, j’aimais beaucoup de sons différents : la musique pop, le rock’n’roll, le rythm’n’blues, la soul, la musique aventureuse aussi et un peu de jazz. J’étais, enfant, un grand fan de Django, influencé par mon père, et je le suis toujours. J’ai aussi beaucoup aimé la musique folk et en fait beaucoup de musique orientale.
Notre maison en Algérie se trouvait juste en face d’un bar de type oriental qui jouait de la musique toute la journée. J’ai été influencé par ce mélange de styles et de cultures et j’ai essayé d’exprimer mes émotions avec ma guitare, Dieu merci je n’avais pas conscience du très, très long chemin qui m’attendait ! J’ai beaucoup pensé à mon frère quand j’ai composé les morceaux de cet album, c’est probablement mon retour à l’époque de Coincidence et à cette grande période que je chéris profondément dans mon cœur.
mwe3 : Comme je l’ai fait à l’aube des années 1980, j’ai toujours eu le sentiment que Coincidence était le pionnier de la musique instrumentale fusion française de pointe.

Jean-Pierre Llabador : Je sais que je suis considéré depuis une trentaine d’années comme un guitariste purement jazz, mais ce n’est pas le cas. Les gens ne connaissent pas Coincidence, ni les années que j’ai passées sur la route ou en studio avec des stars du show business. Vous savez quoi ? J’adore la musique, tout simplement.
Tu as raison, je pense vraiment que ce groupe était aventureux et qu’il s’inscrivait dans les sons jazz/rock grand public qu’on pouvait entendre à l’époque, surtout en France…
mwe3 : Alors, dites-nous pourquoi vous avez appelé l’album 3’33 Treasure Hunt et pourquoi vous ne jouez pas de guitare sur l’album. Comme vous l’avez dit, tous les morceaux durent environ 3 minutes et 33 secondes. Je sais que vous avez gardé les morceaux très courts, selon le concept, mais ils fonctionnent. Vous êtes-vous senti limité par l’élément temps ?
Jean-Pierre Llabador : Tout d’abord, je ne joue plus de guitare sur l’album car suite à mes graves problèmes de santé, je ne peux plus jouer… c’est aussi simple que ça. J’avoue que j’ai mis un certain temps à « avaler » ça. Mais c’est comme ça et Dieu a été bon pour moi, il a décidé que ce n’était pas mon heure de quitter cette vie et cette planète, ce qui aurait pu facilement arriver. Donc ne plus jouer de guitare me semble en fait un peu hors du commun. Mais je suis capable de composer et d’arranger de la musique et c’est ce que je fais plus que jamais avec une forte soif de le faire !
Concernant le nombre 3,33 dans le titre, le premier 3 est le nombre magique ultime et j’ai une quête obsessionnelle, je recherche la Lumière et la Vérité. Ensuite, je pense que 3 minutes et 33 secondes est un timing parfait pour un morceau de musique, cela me rappelle l’époque où les chansons parlaient toutes de ce timing.

En tant que compositeur, il faut être concis, aller droit au but et essayer de « faire perler » la musique… Ce n’est pas facile du tout et c’est restrictif car on ne peut pas faire n’importe quoi (MDR) tout le monde comprend ce que je dis.
Oui, tous les morceaux sont en 3.33… c’était un point de repère pour moi dès le début. J’adore au dos de la couverture du LP la colonne avec tous les mêmes timings tous bien alignés.
C’est une sorte de concept que je vais d’ailleurs continuer à explorer car je travaille déjà sur un nouvel album qui s’appellera 3.33 : The Forgotten Tracks.
mwe3 : Comment cet accident t’a-t-il empêché de jouer de la guitare sur ton nouvel album 3’33 Treasure Hunt ? Sans vouloir te poser de questions, peux-tu nous en dire plus sur cet accident et comment il a changé ta capacité à jouer ? Tu veux dire que tu peux encore jouer mais pas assez bien aujourd’hui ? Tu dois avoir de superbes guitares qui traînent.
Jean-Pierre Llabador : Le traitement médical que me donnent les vétérinaires est assez lourd (13 comprimés par jour), n’oublions pas qu’avant l’accident de voiture, j’ai eu deux crises cardiaques consécutives. J’ai mal aux mains…
J’ai vendu pas mal de guitares et je continue à en vendre. Mais bien sûr je garde comme de l’or mes bébés comme la Stratocaster blanche de 68 qui était la préférée de mon frère, ma Les Paul custom, une superbe Fender Jazzmaster qui est un instrument que j’ai découvert et que je considère comme très polyvalent au niveau du son. Je garde aussi précieusement quelques guitares acoustiques et électro-acoustiques fabriquées spécialement pour moi par un luthier devenu un ami proche : Gérard Beuzon. L’une de ces guitares s’appelle « modèle Llabazon ». Elle est unique et le nom du modèle est gravé sur la tête de la hache.
J’achète toutes sortes d’instruments vintage et étranges ces jours-ci… principalement des claviers comme l’harmonium et quelques instruments italiens des années 60. J’obtiens un son formidable grâce à mon Binson Echolette par exemple.
Là encore je ne résiste pas à l’envie d’être un peu aventureux… Jouer du jazz c’est un autre genre de voyage mais l’aventure est totalement différente, le chemin présente beaucoup de codes, de règles et de réglementations. J’ai l’impression en ce moment de composer des morceaux de musique qu’on ne peut pas vraiment tamponner ou mettre dans une boîte avec un nom dessus, je n’aide pas les disquaires à afficher 3.33 (MDR)

mwe3 : Vous représentez également certains de ces guitaristes sur votre label Castle Records. Cela semble beaucoup à faire mais ce sont tous de très bons guitaristes. Prévoyez-vous d’enregistrer ces artistes avec de nouvelles chansons ou de distribuer leurs catalogues ? Je connais Philippe Caillat par exemple. Je me souviens aussi du début des années 1980 sur JARO Records. Vous vous souvenez de ces gars-là ?
Jean-Pierre Llabador : Bien sûr que je me souviens très bien de cette période et de ces gars-là ! Philippe Caillat est l’un de mes meilleurs amis, pas une semaine sans qu’on m’appelle. Il jouera sur mon prochain album, on en a justement parlé récemment.
Avec mon label, je produis d’abord bien sûr mes propres projets et de temps en temps, mais rien de systématique, j’aide sur d’autres productions. Je distribue la discographie des musiciens qui apparaissent sur mon site « Castle Records ».
Sans beaucoup d’argent, il est assez difficile de sortir du vaste océan de l’industrie musicale, mais nous nous battons tous les jours et y croyons beaucoup.
mwe3 : Le nouvel album commence avec un morceau entraînant intitulé « Roses In Rhodes » qui met en vedette votre musique avec la voix principale et les chœurs de Tania Margarit qui joue également d’un clavinet au son méchant. Leo Margarit joue également de la batterie. N’avez-vous pas également fait un album avec Leo, qui a également joué sur votre album Voices d’il y a quelques années. Peut-être son père ? Le morceau contient également la famille Heraulaz ?
Jean-Pierre Llabador : OUI ! Tania et son frère Léo jouent tous les deux sur ce premier morceau mais peut-être ne saviez-vous pas que la choriste Eléa est la fille de Tania. En fait, trois générations de la même famille ; papa, fille et fils, petite-fille sont des musiciens professionnels et très talentueux ! Je travaille avec eux tous depuis des années.
Une autre famille, les Heraulaz, est également présente sur le morceau. Je les ai rencontrés grâce à Tania. Cette chanson est sortie dans l’un de mes derniers albums de jazz instrumental
Give Me Five en duo guitare/trombone. J’aime beaucoup le chant et l’ambiance générale de cette version !

mwe3 : Pascal Corriu joue de la guitare de manière excellente sur « Bowlywood ». Parlez-nous du titre du morceau et de la façon dont vous avez travaillé avec Pascal sur « Bowlywood ». Est-ce un jeu de mots avec l’expression Bollywood ? Parlez-nous de la section rythmique composée de Jean-Pierre Barreda et Philippe Arnaud. Cette section rythmique joue sur plusieurs titres de 3’33 .
Jean-Pierre Llabador : Pascal est, à mon avis, un excellent musicien avant tout et un excellent guitariste, plein de goût, de feeling, de sensibilité, inventif avec une grande technique.
Je suis tellement content d’être son ami ! Je me souviens que lorsque nous voyagions pour un concert en duo, nous pouvions passer des heures à parler de musique mais aussi de toutes sortes de sujets, de problèmes différents, et tout d’abord, nous passions beaucoup de temps à rire aux éclats et à profiter de la vie telle qu’elle venait. De bons souvenirs !
« Bowlywood » était au départ une ligne de basse assez inhabituelle et un peu délicate. Autour d’elle, nous avons lentement organisé et construit un morceau. Pascal a fait preuve d’une grande créativité pendant la session et a pris une grande part dans cette interprétation.
Pascal a utilisé une Gibson SG de 1967 qu’il m’a achetée. Je suis content de savoir que l’instrument est entre de bonnes mains. Il utilise également une guitare acoustique, je ne suis pas sûr de la marque.
Je connais JP Barreda depuis 50 ans. C’était le bassiste du premier album de Coincidence. Ce mec est plutôt compétent, avec la juste opinion de ce que doit être un bassiste, solide comme un roc, et un grand être humain. On a fait beaucoup de concerts ensemble en France, en Belgique, en Angleterre… C’est un ami fidèle…
Il utilise principalement une basse Fender Precision, parfois une autre basse fabriquée par un luthier. Il joue aussi de la contrebasse, c’est un bon joueur de jazz, il joue avec pas mal de groupes et de big bands.
J’ai rencontré Phillipe Arnaud il y a quelques mois et j’ai été convaincu dès le début qu’il serait mon homme. J’adore son timing, son son global sur l’instrument et le grand sens de l’attitude musicale « juste ce qu’il faut » dont il fait preuve. Arnaud joue également dans différents types de groupes, son jeu est très apprécié, pas étonnant ! Il est né en Algérie comme moi, donc nous avons beaucoup de points communs. Il est rapidement devenu un très bon ami.

mwe3 : « The Link » met en vedette Gerard Pansanel aux guitares. Parlez-nous de Gerard et de son jeu de guitare, comment l’avez-vous connu et sur quelles guitares joue-t-il ? Un lien particulier auquel vous pensiez pour le titre ? C’est un morceau très funky, amusant et rythmé, on dirait que vous vous êtes beaucoup amusé à le faire.
Jean-Pierre Llabador : En ce qui concerne Gérard, c’est une histoire assez longue… Je l’ai rencontré en 1962 au lycée, donc il y a 62 ans… Pendant un bon bout de temps on s’est perdus de vue, puis la musique nous a réunis. Gérard est un super guitariste dans l’ensemble, assez « complet » avec une super technique.
Pour être honnête, je ne me souviens plus précisément de la guitare qu’il utilise… dommage ((rires) Le titre « The Link » est pour moi la jonction entre le jazz et la musique funky. J’ai pris beaucoup de plaisir à composer celui-ci presque à la dernière minute.
mwe3 : « Long Beach » est un morceau merveilleux. Je me souviens de ta composition « San Diego » de ton premier album solo Coincidences. Est-ce que « Long Beach » suit un peu l’ambiance de « San Diego » ? La Californie doit encore te manquer car je sais que tu as étudié la guitare là-bas après la fin de l’ère Coincidence des années 1970. On dirait une autre mélodie mélancolique avec un excellent travail au piano de Tania Margaret. C’est drôle qu’il n’y ait pas de guitare sur ce morceau ? Comment as-tu abordé l’écriture de la composition ?
Jean-Pierre Llabador : J’aime particulièrement ce morceau. C’est une mélodie simple et calme. Tu as tout à fait raison de citer et de rappeler le titre « San Diego » de mon premier album « jazz ». L’ambiance est similaire. Je voulais donner à Tania, que je considère comme une fille, l’occasion de montrer tout son talent et sa musicalité au piano. Je ne voulais pas qu’elle chante, et je ne voulais ni n’entendre aucun son de guitare. Cette artiste mériterait à mon avis une plus grande visibilité et une plus grande notoriété. En plus de cela, en tant qu’être humain, elle est absolument exceptionnelle !
J’ai adoré vivre en Californie, c’était juste après la mort de mon frère et j’avais vraiment besoin d’une pause loin de chez moi. En dehors de la musique, j’ai beaucoup appris là-bas, j’ai beaucoup apprécié le climat, le soleil presque permanent, le rythme de vie général, qui m’a rappelé mon enfance en Algérie…

mwe3 : « Betty On Franklin Avenue » est un autre morceau vocal optimiste, cette fois avec la voix d’Elea Schuhmann et les chœurs de Tania Margarit. Qu’est-ce qui a inspiré « Betty » ou est-ce un morceau fictif ? C’est comme du R&B joué avec un son de guitare à la Clapton de Gerard Pansanel. Est-ce ton guitariste préféré sur 3’33 ? Le son est un peu inspiré de Sly & The Family Stone.
Jean-Pierre Llabador : En composant « Betty », j’ai eu un « flash » sur une fille imaginaire qui marchait sur le boulevard. Franklin Avenue est l’endroit où je vivais à Los Angeles. J’ai eu en tête une ambiance rythm and blues. Elea est parfaite pour la chanter ! Cette jeune femme talentueuse va, j’en suis sûr, devenir dans les années à venir une artiste très connue, elle a tout pour plaire ! Je n’ai pas de guitariste « préféré ». Ceux qui figurent dans 3.33 sont tous mes amis et encore une fois tous d’excellents musiciens.
mwe3 : J’ai fait un commentaire sur « Big Deal » qui, à côté de « Blast », est mon morceau préféré sur 3’33. Une fois de plus, Bernard Margarit revient jouer sur votre album. Parlez-nous de Bernard et des albums que vous avez fait avec lui au fil des années. Qu’est-ce qui a inspiré « Big Deal » ou est-ce que la belle mélodie parle d’elle-même ? Elle a une sorte d’ambiance progressive et un peu comme Hank Marvin ? Je sais que tu aimais Hank quand tu étais plus jeune, n’est-ce pas ?
Jean-Pierre Llabador : Bernard Margarit, « Margo », c’est un frère. On s’est rencontrés en 1982. Je venais de quitter Los Angeles et on a rejoint en même temps le groupe qui avait été créé pour accompagner un chanteur très populaire en France, « Johnny Hallyday ». On a fait pas mal de concerts avec lui, des émissions de télévision, des séances en studio… On garde tous les deux de très bons souvenirs de cette période…
Nous sommes toujours restés en contact depuis et sommes devenus au fil des années des amis intimes. Nous avons enregistré en 1992 un CD de deux titres intitulé « Friendship ». Je l’ai invité, en tant qu’invité, à jouer sur plusieurs de mes albums et il a fait de même ! Margo et moi avons beaucoup de points communs musicalement, aucun doute là-dessus ! Il a fait un excellent travail de guitare sur ce morceau, il a complètement « compris » ce que je voulais dire. J’aime cette chanson simple et authentique qui me rappelle mes années 60 lorsque j’apprenais à jouer de l’instrument…

mwe3 : Est-ce que « Ghazaouet City » rappelle vos premières années en Algérie ? Le morceau a un rythme très global et arabe. Il y a aussi une allusion soignée à James Bond avec une touche « Goldfinger » insérée dans la chanson. Les percussions sont sauvages et il y a des vibrations de musique du monde cool. Une fois de plus, Gerard Pansanel fait un travail de guitare très réussi sur l’album.
Jean-Pierre Llabador : « Ghazaouet » est en fait le nom arabe de ma ville natale en Algérie. Je voulais donner aux gens une idée du son et de l’atmosphère générale d’une petite ville de ce pays. Gérard a fait un excellent travail aux guitares, certaines parties sont un peu délicates. Le bassiste est Gérard Carbonell qui est aussi un vieil ami. Il vit en Allemagne, j’ai adoré aussi dans son solo… comment il a mentionné James Bond.
mwe3 : « Blast » a été le premier morceau que j’ai entendu à partir de 3’33 et c’est un excellent morceau de clôture. « Blast » rappelle en quelque sorte l’époque de Coincidence et le travail combiné de guitare électrique de Pascal Corriu et de Gérard Pansanel est excellent. Parlez-nous de « Blast ».
Jean-Pierre Llabador : « Blast » aurait pu figurer sur un album de Coincidence. C’est une sorte de retour aux sources. J’avais d’abord en tête la ligne de basse « hypnotique » qui me semblait efficace, la signature rythmique est juste à mes oreilles aussi. Le pont est présent pour donner du souffle au morceau. Gérard Pansanel joue tous les arrangements de guitare et Pascal Corriu est le soliste, il a fait un super bon travail ! La section rythmique est serrée et solide aussi ! J’aime la façon dont ce morceau fonctionne bien…

mwe3 : Vous avez donc sorti 3 superbes albums d’archives de votre premier groupe Coincidence et maintenant 3’33 avec certains de vos excellents amis musiciens. Et bien sûr tous les superbes albums solo que vous avez réalisés au cours des 33 dernières années. Avez-vous pensé à une rétrospective de votre carrière de vos albums solo ou vous vous amusez trop avec ces nouveaux albums comme 3’33 et allez-vous créer un autre album comme celui-ci ?
Jean-Pierre Llabador : En fait, d’après mon compte en banque, j’ai en tête de sortir (25cm + CD) le meilleur de mes anciens CD, ce sera un double et ça s’appellera « Les Années Jazzy ». La pochette comportera tout un tas de photos de différentes époques dans différentes situations.
Cela couvrira 25 ans de ma vie. Mais pour l’instant je suis concentré, je travaille sur un nouveau projet 3.33 , j’ai déjà écrit de la musique pour ça…! Après ça, seul Dieu sait ce qui va se passer (rires)!
mwe3 : Avez-vous d’autres réflexions à partager avec les lecteurs ? Avons-nous oublié quelqu’un ou quelque chose ?
Jean-Pierre Llabador : Je ne pouvais pas terminer cette interview sans évoquer mon vieil ami proche Guy Simon, ce grand génie du son ! Il a toujours été là pour me soutenir, m’aider et m’encourager. Merci beaucoup mon pote !
Je ne pouvais pas terminer sans te citer Robert, tu as toujours été fidèle, loyal… merci pour ton intérêt et ta sincère amitié !
Enfin et surtout, comme on dit, je voudrais vraiment remercier ma femme Annie, d’être toujours là, à mes côtés, car il faut beaucoup de courage, de patience, de dévouement et surtout d’amour pour pouvoir me supporter.
Au plaisir de vous revoir les amis ! Peut-être sur une autre planète. J’espère que vous aimerez une partie de mon voyage de 3’33 …
Interview MWE3 2025 New York